Depuis plusieurs décennies, l’envoi obligatoire des sous-produits vinicoles en distillerie a permis de traiter dans de bonnes conditions environnementales les marcs, les bourbes et les lies. Au-delà de la prise en compte des risques environnementaux, la distillation assure surtout une valorisation poussée des sous-produits au travers de la production de nombreux co-produits. La possibilité, pour les vignerons en viticulture biologique, de retirer sous contrôle leurs sous-produits et l’arrêt des subventions européennes à l’achat de l’alcool ont perturbé l’équilibre établi. Face à des contestations naissantes, FranceAgriMer a entrepris une expérimentation nationale visant à évaluer les différentes filières de valorisation des sous-produits vinicoles. Le CIVC, partenaire de cette expérimentation, s‘est attaché à étudier les différentes filières dans le contexte champenois. Dans la série d’articles qui suit, nous vous proposons de faire le point sur la distillation et les filières alternatives envisagées dans le cadre d'une évolution réglementaire proche. Il s'agit de l’épandage, du compostage et de la méthanisation que nous avons abordés d’un point de vue technique, réglementaire, économique et environnemental.
Un contexte actuel remis en cause
L’obligation de livrer les sous-produits à la distillation afin d’apurer les prestations d’alcool vinique trouve son origine dans la volonté des gouvernements de l’époque d’assainir le marché du vin et d’améliorer la qualité des vins. Ainsi, le décret n° 53-977 du 30 septembre 1953 généralise à tous les producteurs de vins la fourniture de prestations d’alcool vinique en contre-partie d’une rétribution financière. Seuls les producteurs de vins récoltés dans l’aire délimitée "Champagne" sont exemptés de prestation d’alcool vinique dès lors que les rebêches ne sortent pas de l’exploitation hormis pour la vinaigrerie ou la distillerie. Cette dérogation, remise en cause dès les vendanges de 1954, sera finalement supprimée et les élaborateurs champenois, après quelques tentatives infructueuses de dérogation, livreront leurs sous-produits pour la production d’alcool.
Cette réglementation visant à éviter le surpressurage sera reprise dans les règlements communautaires successifs portant organisation commune du marché viticole. Jusqu’en 2008, les frais engagés par les élaborateurs pour la livraison en distillerie de ces sous-produits étaient compensés par les aides communautaires accordées pour l’achat de l’alcool extrait des sous-produits. Depuis l’entrée en vigueur du règlement (CE) n°1234/2007, la France a choisi de maintenir l’obligation de livrer les sous-produits en distillerie et accompagne cette mesure d’une aide financière à la distillation mais dont les montants ne couvrent pas la totalité des frais engagés (arrêté du 17 août 2011). De ce fait, les élaborateurs champenois doivent, depuis les vendanges 2008, s’acquitter de coûts de collecte des sous-produits auprès des distilleries, soit directement au travers d’une facture pour la prestation de collecte, soit indirectement en cédant gratuitement à la distillerie leurs sous-produits liquides.