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La Vigne

Doses efficaces des formulations cupriques

Constatant des différences entre formulations dans les essais au champ, nous avons décidé, début 2023, d’envoyer des échantillons des produits cupriques expérimentés au vignoble au laboratoire CONIDIA/CONIPHY pour déterminer les doses efficaces au laboratoire. L’objectif consistait à évaluer l’efficacité sur le mildiou dans des conditions contrôlées, sur un modèle disques de feuilles en survie.

Méthode et objectif

Avec le modèle expérimental au laboratoire, nous souhaitions déterminer la quantité de cuivre métal par unité de surface nécessaire pour apporter une efficacité de 50 % (EC50) ou 90 % (EC90) sur le contrôle du pathogène. 

L’expression des résultats, en quantité de dépôt par unité de surface de cible, nous permet ensuite de rapprocher les EC90 avec les courbes de dépôt mesurées après pulvérisation de tartrazine, selon la méthode de l'UMT ECOTECH (projet CASDAR PULVETROIT), avec une rampe Précijet équipée de buses TXA 80 05, comme notre matériel de pulvérisation pour les essais. Ensuite,  nous calculons un grammage de cuivre métal/hectare à apporter dans la bouillie pour chaque produit.

De la sorte, nous pouvons vérifier si les doses en pratiques sont suffisantes pour contrôler correctement le mildiou. Et évaluer notre marge de manœuvre, dans les conditions du vignoble champenois (vigne à haute densité palissée) en matière d’adaptation des doses de cuivre pour respecter les quotas d’apport. 

Les produits retenus ont également été testés au vignoble (tableau 1). Les résultats sont détaillés dans l’article précédent.

Tableau 1. Produits testés en laboratoire.

 

Principe de la méthode 

Les tests ont été réalisés sur des disques de feuilles de 18 mm de diamètre prélevés sur les 3e et 4e étages foliaire, très sensibles, issus de jeunes plants cultivées en serre. Les disques ont été maintenus en survie dans des boîtes de Pétri. 

Les traitements ont été réalisés par pulvérisation de chaque spécialité sur la face inférieure des disques de feuille, en préventif 24 heures avant infection. 

La quantité de bouillie déposée sur chaque disque par unité de surface a été déterminée. Connaissant la concentration en cuivre métal pour chaque modalité, la dose de matière active (exprimée en cuivre métal) présente à la surface des disques de feuille et par unité de surface (en cm2) a pu être calculée.

Pour chaque spécialité, une gamme de 6 concentrations (plus un témoin non traité) a été testée. 

Une souche provenant d’un seul sporangiophore a été utilisée dans ces tests d’efficacité. Elle présente un phénotype sensible aux principaux fongicides.

L’intensité de développement du mildiou a été évaluée visuellement après 7 jours d’incubation selon une échelle de 0 à 100 %. La note moyenne des 10 disques de feuille pour chaque concentration de fongicide est convertie en pourcentage d’efficacité (ou d’inhibition) par comparaison avec les disques non traités.

Une corrélation entre efficacités et quantités de cuivre métal déposée par cm2 permet, par régression linéaire selon la méthode Logit, de déterminer les concentrations efficaces à 50 % (ou 90  %) pour chaque spécialité. 

Les essais ont été répétés 3 fois selon le même dispositif dans le cadre de tests indépendants.

Nous présentons, dans le tableau 2, les doses efficaces à 90 %.

Tableau 2. Valeurs des doses efficaces à 90 % (EC90) exprimées en nano grammes de cuivre métal/cm2 de plusieurs spécialités à base de cuivre. Essais réalisés sur disques de feuilles, traitements préventifs 24 h avant contamination.

Efficacité intrinsèque des formulations cupriques au laboratoire

D'après les résultats du tableau 2, les valeurs les plus faibles, donc traduisant la meilleure activité sur le mildiou, sont enregistrées avec Champ Flo Ampli et la Bouillie bordelaise (respectivement 534 et 1051 ng/cm2). A l’opposé, le Nordox (EC90 = 4203 ng/cm2) présente la moins bonne activité. L’Héliocuivre et le Cuproxat ont un comportement intermédiaire avec des EC90 comprises entre 1 735 et 2 293 ng/cm2.


L’activité fongicide variable serait liée à une variabilité de libération des ions Cu2+

Les produits à plus forte variabilité sont Cuproxat, Nordox, la Bouillie Bordelaise.

Les produits à moins forte variabilité sont Héliocuivre et Champ flo ampli.

Les résultats obtenus sur un modèle expérimental au laboratoire, concernant plus particulièrement la variabilité d’activité fongicide, sont comparables aux résultats obtenus au vignoble montrés précédemment.

Du laboratoire au terrain

Par la suite, nous avons comparé la quantité de cuivre métal efficace, pour chaque produit cuprique testé sur le modèle expérimental au laboratoire, à la quantité de dépôt de produits interceptée face inférieure des feuilles, à deux stades de développement végétatif de la vigne (stade 5 à 6 feuilles étalées et gabarit de rognage), avec pulvérisation par une rampe Précijet équipée de buses TXA 80 05. Nous utilisons une modélisation des dépôts selon le développement végétatif (appréhendé en Leaf Wall Area), basée sur des mesures réalisées sur plusieurs vignes champenoises en 2019, dans le cadre du programme PulvEtroit piloté par l'UMT ECOTECH, à différents stades végétatifs (tableau 3). 

Tableau 3. Modélisation du dépôt moyen face inférieure des feuilles en ng/cm2 pour 1g/ha dans la bouillie appliquée avec une Précijet, buses TXA 80 05 sur une vigne en 1,10 m d’écartement.

Résultats

D’après le tableau 4, les doses pratiques d’emploi sont, pour la majorité des produits cupriques testés, assez éloignées des doses efficaces, dans les conditions de notre vignoble. Pour se rapprocher des doses efficaces, il faudra compter sur un effet cumulatif, particulièrement en cas de forte pression. 

C’est donc logiquement plus critique au printemps, sur un végétal en croissance.

Tableau 4. Dose de cuivre métal à utiliser (en g/ha) dans la bouillie selon le dépôt moyen modélisé face inférieure des feuilles (voir tableau 2) et les EC90 déterminées au laboratoire.

Conclusion générale concernant les produits cupriques, a partir des essais 2021 à 2023, au vignoble et au laboratoire

Nous avons constaté des différences entre formulations cupriques, d’après des essais d’efficacité réalisés avec une méthode d’inoculation de disques, découpés dans des feuilles traitées au vignoble. Ces résultats ont été complétés par des tests au laboratoire, réalisés sur des disques traités en boîtes en Pétri.

Les doses efficaces, déterminées au laboratoire, sont en général assez éloignées des quantités interceptées face inférieure des feuilles, avec les doses d’usages préparées dans les bouillies, dans les conditions de notre vignoble (effet du mode de conduite, en vignes étroites, qui développe une forte densité de végétation).

Ce sont les applications répétées des produits cupriques qui permettent d’atteindre les quantités minimales de cuivre nécessaires à une efficacité acceptable.

Sur le feuillage traité directement, l’effet cumulatif des applications, couplé à la réduction de sensibilité des étages foliaires au cours du temps, va permettre d’assurer une efficacité satisfaisante, sous réserve de la qualité d’application de la bouillie et de la pression parasitaire.

Dans les conditions des essais, après 20 et 30 mm de pluie en cumul, dont des pluies orageuses, nous n’avons pas constaté de baisse d’efficacité après les précipitations, quelles que soient les formulations, après une seule application.

Par contre, pour protéger les feuilles néoformées et les jeunes feuilles en croissance, les produits cupriques (et plus largement les produits de contact) nécessitent bien sûr un renouvellement des applications. 

Ainsi les traitements en matière de protection du feuillage doivent être renouvelés en priorité en fonction du nombre de feuilles néoformées (indicateur de croissance de la vigne) et pas nécessairement de la quantité de pluie après application.

Nos résultats expliquent également les très bonnes efficacités constatées avec le cuivre, sur le feuillage adulte, en fin de saison, quand la vigne a atteint son gabarit végétatif. 

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Le contenu de cet article est réservé aux Vignerons et Maisons ressortissants du Comité Champagne et aux abonnés à la version papier.

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