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La Vigne

Mildiou : comment renouveler les cuivres ?

Comparaison de formulations de cuivre testées avant et après précipitations

Les produits à base de cuivre sont utilisés depuis de nombreuses décennies pour lutter contre le mildiou de la vigne. Les formes de cuivre utilisées et les pratiques d’application des produits ont beaucoup évolué avec des formulations de plus en plus élaborées et des matériels de pulvérisation plus performants.

Cependant, les données expérimentales restent insuffisantes pour optimiser l’emploi de cette substance, en particulier dans les conditions de production viticole de la Champagne (vignoble étroit palissé, à forte densité de plantation). Aussi, nous avons décidé de mettre en place des essais au vignoble avec la méthode d’évaluation biologique présentée dans l'article "Cuivre et phosphonates : quelle eficacité ?" pour répondre aux problématiques suivantes :
- l’efficacité d’une méthode de modulation de la dose selon la hauteur de végétation traitée,
- les efficacités intrinsèques des différentes formulations de cuivre.

Les problématiques

Quelle efficacité en cas de modulation de la dose de cuivre apportée en fonction de la hauteur de végétation traitée ?

Nous avons investigué cette question en 2021. La préparation étudiée est CUPROXAT SC.

La dose de référence apporte 400 g/ha de cuivre métal qui est la dose d’usage au gabarit végétatif en viticulture biologique en Champagne. 

Pour diminuer la dose par rapport à cette référence, une adaptation de la dose a été réalisée en se basant sur les réglages de la rampe de pulvérisation (rampe Précijet), en proportion de la dose de référence, jusqu’à ce que la vigne atteigne la hauteur de rognage. Dès lors, la dose de référence a été appliquée. Les réglages ont été adaptés à la hauteur de végétation en prenant 10 cm de marge, ils sont identiques pour chaque modalité, en particulier les modalités avec Cuproxat SC.

Y a-t-il des différences selon les formulations ?

Nous ne souhaitions pas apporter de conclusions sur l'efficacité du cuivre, d'après les essais rapportés dans le premier article "conduits" à partir d’une seule formulation, au cas où il y ait des différences entre formulations cupriques. Les essais 2022 et 2023 ont donc eu pour objectif principal de vérifier l’efficacité intrinsèque de plusieurs formulations de cuivre.

perfo feuille
Une unique dose d’apport a été expérimentée : 400 g de cuivre métal/ha (en pratique, les opérateurs raisonnent en dose/ha de cuivre métal, quelle que soit la formulation), avec les préparations suivantes  : Heliocuivre, Champ flo ampli, Cuproxat SC, Nordox 75  WG (les 4 formulations les plus employées au panel en 2021 en Champagne), auxquelles nous avons ajouté la référence Bouillie Bordelaise RSR Disperss (référence dans plusieurs études relatives à l’efficacité du cuivre).

Les sites d’essai et la méthode d’expérimentation ont été présentés dans l’article précédent et nous laissons le lecteur s’y référer.

Modalités des essais

Tableau 1. Modalités de l’essai 2021.
Tableau 2. Préparations cupriques évaluées en 2022 et 2023.

Positionnement des traitements et des prélèvements

Figure 1. Conditions climatiques et positionnement des traitements (T) et des prélèvements (P) sur l’essai 2021 à Mareuil-sur-Aÿ.
Figure 1. Conditions climatiques et positionnement des traitements (T) et des prélèvements (P) sur l’essai 2021
à Mareuil-sur-Aÿ.

 

Figure 2. Conditions climatiques et positionnement des traitements (T) et des prélèvements (P) sur l’essai 2022 à Dizy (comparaison de formulations cupriques).
Figure 2. Conditions climatiques et positionnement des traitements (T) et des prélèvements (P) sur l’essai 2022
à Dizy (comparaison de formulations cupriques).

 

Figure 3. Conditions climatiques et positionnement des traitements (T) et des prélèvements (P) sur l’essai 2023 à Hautvillers (comparaison de formulations cupriques)
Figure 3. Conditions climatiques et positionnement des traitements (T) et des prélèvements (P) sur l’essai 2023
à Hautvillers (comparaison de formulations cupriques).

 

Essai en 2017 en petites parcelles, avec une fin de protection cuprique (chaque rang en essai est séparé d'un rang de garde non traité).
Essai en 2017 en petites parcelles, avec une fin de protection cuprique (chaque rang en essai est séparé d'un
rang de garde non traité).

 

Résultats généraux

Un effet cumulatif des traitements cupriques

En 2021, au deuxième prélèvement (stade 10 feuilles étalées), réalisé à la fois sur les feuilles de la base (étage 3 en partant de la base du rameau) et sur les feuilles apicales (4e feuille sous apex, soit l’étage 6 en partant de la base), nous constatons des efficacités bien supérieures sur les étages de la base, qui ont reçu 3 traitements, comparé aux feuilles apicales, qui n’ont reçu à peu près qu’un seul traitement.

Figure 4. Comparaison des efficacités de 3 préparations fongicides sur différents étages foliaires.
Figure 4. Comparaison des efficacités de 3 préparations fongicides sur
différents étages foliaires.

paysage

 

Essai 2021. Sporulation sur feuilles de la base (à gauche) et sur feuilles apicales (à droite)..
Essai 2021. Sporulation sur feuilles de la base (à gauche) et feuilles apicales (à droite).

 

Des différences entre la stratégie d’apport fixe et la dose adaptée à la hauteur traitée,  dans l’essai 2021

Sur un même étage foliaire suivi tout au long de l’essai (figure 5), c’est-à-dire les feuilles de la base des rameaux (étage 2 en partant du bas), la différence d’efficacité entre les différentes stratégies d'apport de cuivre se comble progressivement avec l’augmentation des apports de cuivre, malgré les précipitations (40 mm en cumul pendant la durée de l’essai).

Figure 5. Evolution des efficacités sur feuilles de la base des rameaux.
Figure 5. Evolution des efficacités sur feuilles de la base des rameaux.

 

Sur les étages supérieurs (4e feuille sous apex pour le second et le troisième prélèvement), et l’étage médian (troisième prélèvement), les différences d’intensité d’attaque restent significatives entre les deux modalités d’apport de Cuproxat : les dégâts sont supérieurs avec la dose de cuivre réduite. Sur ces étages foliaires en croissance, les apports de cuivre ne sont pas encore suffisants pour combler les écarts entre les deux modalités.

 

Efficacité intrinsèque des formulations cupriques, comparée en 2022 et 2023

L’analyse des données obtenues pour des prélèvements réalisés 24 heures après traitement et en l’absence de pluie donne une réponse précise sur l’efficacité intrinsèque des différentes formulations de cuivre à condition de réaliser les observations sur les feuilles du 4e étage en partant de l’apex, très sensibles, à chaque date.

Pour une même campagne, chaque prélèvement constitue une nouvelle répétition : nouvel étage foliaire, nouvel inoculum, nouvelles conditions d’inoculation (nouvelle concentration d’inoculum). Nous disposons donc de 5 répétitions, réalisés sur la 4e feuille sous apex consécutivement à chaque traitement.

Les figures 6 et 7 montrent l’efficacité intrinsèque des différentes formulations cupriques sur la quatrième feuille sous apex.

Figure 6. Comparaison de l’évolution des efficacités des différentes formulations de cuivre au cours de l'essai 2022 après 1 application.
Figure 6. Comparaison de l’évolution des efficacités des différentes formulations de cuivre au cours de l'essai
2022 après 1 application.

 

Figure 7. Comparaison de l’évolution des efficacités des différentes formulations de cuivre au cours de l'essai 2023 après 1 application.
Figure 7. Comparaison de l’évolution des efficacités des différentes formulations de cuivre au cours de l'essai
2023 après 1 application.

 

Nous constatons systématiquement des différences significatives. Le classement relatif des formulations varie d’une répétition à une autre. Toutefois Héliocuivre et Champ Flo Ampli sont dans 4 cas sur 5 les meilleures préparations. Les résultats sont plus irréguliers pour la BB RSR Disperss, Nordox ou Cuproxat. Cuproxat en particulier procure les moins bons résultats dans 3 cas sur 5.


Effet de la pluie et efficacité résiduelle des différentes formulations de cuivre

Nous avons décidé de déterminer quel était l’impact de la pluie sur l’activité du cuivre dans un contexte naturel (donc non maîtrisé en ce qui concerne la quantité de pluie et le nombre de jours de pluie). Des prélèvements de feuilles ont donc été réalisés après des précipitations. Les résultats obtenus ont été comparés à ceux des prélèvements effectués sur les mêmes étages foliaires avant la pluie.

En 2023, la comparaison a pu être mise en œuvre suite à une pluie de 10 mm (figure 8) Les résultats montrent que la perte d’efficacité est faible (au maximum une baisse de 10  points) et le classement relatif entre les formulations de cuivre reste identique.

Figure 8. Comparaison de l’efficacité de plusieurs formulations à base de cuivre avant et après 10 mm de pluie naturelle.
Figure 8. Comparaison de l’efficacité de plusieurs formulations à base de cuivre avant et après 10 mm de pluie
naturelle.

 

En 2022, les conditions climatiques nous ont permis d’évaluer l’efficacité des différentes préparations cupriques après 21 mm et même 31 mm en cumul, sur un même étage foliaire (étage 9 en partant de la base, c’est-à-dire la 4e feuille sous apex 24 h après le troisième traitement. Cette feuille était la première déployée sous l’apex lors du traitement précédent).

Avant les pluies, Héliocuivre est significativement supérieure aux autres spécialités et à l’inverse c’est le Nordox qui est le moins performant. Le Champ Flo est supérieur au Cuproxat et à la Bouillie bordelaise.

Après 21 mm de pluie, aucune perte significative d’efficacité n’est constatée sauf pour la Bouillie bordelaise. Au contraire, certaines préparations comme Cuproxat et surtout Nordox sont plus efficaces.

Après 31 mm de pluie cumulées, toutes les formulations de cuivre apportent plus de 70 % de contrôle du mildiou et les différences entre préparations diminuent. Ce résultat s’explique peut-être par une redistribution du cuivre suite aux pluies.

 

Figure 9. Comparaison des efficacités des différentes formulations à base de cuivre en fonction de la quantité de pluie cumulée.
Figure 9. Comparaison des efficacités des différentes formulations à base de cuivre en fonction de la quantité
de pluie cumulée.

 

En comparant les efficacités avant et après 20 et 30 mm de pluie (parfois orageuses), après une seule application, non seulement on ne constate pas de baisse d’efficacité, mais plutôt un maintien, voire une augmentation de l’efficacité, qui pourrait être causée par une redistribution du produit par la pluie.


Activité résiduelle du cuivre après des précipitations consécutives à des applications cumulées

Malheureusement, nous ne disposons que peu de données à ce sujet. En 2022, la qualité de l’inoculum utilisée au laboratoire ne nous a pas permis d’évaluer l’efficacité des modalités sur les étages foliaires de la base, devenus moins sensibles, autant que nous l’aurions voulu. Les taux d’attaques sur les feuilles du témoin non traité au vignoble n’atteignaient plus, au stade 11 à 12 feuilles étalées (prélèvement T2P2 illustré dans les figures 8 et 9) que 5 % sur l’étage 3 et 20 % sur l’étage 6.

Dans les conditions de l'essai 2022, après 8 mm de pluie et deux applications de cuivre sur l’étage foliaire à la base des rameaux, nous n’observons aucune différence entre formulations, avec des efficacités très élevées (entre 90 et 100 %), avant et après les précipitations.

fig10

Figures 10 et 11. Comparaison des efficacités de différentes formulations à base de cuivre avant et après 8 mm de pluie, sur deux étages foliaires.
Figures 10 et 11. Comparaison des efficacités de différentes formulations à base de cuivre avant et après 8 mm
de pluie, sur deux étages foliaires.

 

Sur l’étage supérieur traité une fois, par contre, des différences apparaissent entre formulations. Héliocuivre est la meilleure préparation, le résultat est inchangé avant et après pluies, avec 94 % d’efficacité dans les deux cas. L’efficacité des autres produits se maintient avant et après pluie, aux alentours de 70 % d’efficacité (Cuproxat et Bouillie Bordelaise), voir chute de 20 à 30 points (Champ Flo Ampli et Nordox). 

Nous constatons encore une fois l’effet cumulatif des applications, avec des efficacités bien supérieures et lissées, sur l’étage de la base traité deux fois comparé à l’étage apical, qui a reçu à peine plus d’un traitement.

Discussion

Les efficacités des produits cupriques sont augmentées en cumulant les applications, comme mis en évidence dans les essais conduits en 2021 et 2022.

Nous avons constaté des différences d'efficacité intrinsèque des formulations cupriques. L’étude d’éventuelles différences suite à des applications répétées est plus complexe et peut-être d’un intérêt relatif du fait de la diminution de sensibilité des étages foliaires, doublé d’un effet cumulatif des applications.

Nous avons relevé de meilleures efficacités des produits cupriques après une seule application dans les conditions de l’essai 2023 comparé à 2022. L’agressivité de l’inoculum utilisé en 2023 était plus faible que l’année précédente. D’où l’intérêt d’essais pluriannuels, avec une variabilité de conditions agronomiques et climatiques, qui interfèrent avec la réceptivité du végétal et participent probablement aussi à la variabilité des résultats.

Conclusion

Un effet cumulatif des applications cupriques a été mis en évidence, sur le feuillage. Il est plus spectaculaire en situation de forte pression parasitaire, qui limite l’efficacité d'une application à 400 g de cuivre métal/ha.

Nous avons constaté des différences d'efficacité intrinsèques entre formulations cupriques, parmi les 5 testées : Champ flo ampli, Héliocuivre, Nordox 75WG, Cuproxat SC, Bouillie Bordelaise RSR Disperss.

Les hydroxydes de cuivre mis en essai (Champ flo ampli, Héliocuivre) procurent en général les meilleures efficacités, avec la plus faible variabilité de résultats d’une répétition d’essai à l’autre. 

Dans les conditions des essais, après 20 et 30 mm de pluie en cumul, dont des pluies orageuses, nous n’avons pas constaté de baisse d’efficacité après les précipitations, quelles que soient les formulations, après une seule application.

Ces résultats suggèrent que les traitements cupriques en matière de protection du feuillage doivent être renouvelés en priorité en fonction du nombre de feuilles néoformées et pas nécessairement de la quantité de pluie après application.

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Le contenu de cet article est réservé aux Vignerons et Maisons ressortissants du Comité Champagne et aux abonnés à la version papier.

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