Pasteur écrivait en 1864, «le vin se fait, se mûrit, en d’autres termes il passe de l’état de vin jeune à l’état de vin vieux presque exclusivement par l’influence de l’oxygène de l’air». Pourtant l’oenologie moderne est un peu passée à côté de ce paramètre fondamental qu’est l’oxygène.
Tout au long de son processus d’élaboration un vin connaît différents apports d’oxygène qui contribuent pour une large part à l’évolution de ses caractéristiques organoleptiques.
Les différents apports en oxygène
Ces apports débutent dès la destruction de l’intégrité de la baie de raisin, puis chaque fois que le moût ou le vin est mis en contact soit volontairement, soit involontairement avec l’air ambiant. L’oxygène apporté est consommé par le moût, le vin, mais aussi par les microorganismes qui s’y développent, essentiellement les levures.
Dans les moûts, la consommation de l’oxygène est essentiellement enzymatique et très rapide. Les mesures sont donc extrêmement délicates à réaliser et les apports difficiles à quantifier. Moutounet et al. (1) ont démontré cependant que la quantité d’oxygène consommée pendant la préparation des moûts reste toujours inférieure à leur capacité maximale de consommation déterminée in vitro.
Les levures possèdent une grande capacité de consommation de l’oxygène et cela même plusieurs années après la fin de la fermentation alcoolique (2). Elles protègent ainsi le vin contre l’oxydation pendant les phases fermentaires. Les lies le font également à condition cependant qu’elles aient accès à cet oxygène, c’est-à-dire lorsqu’elles sont remises en suspension, comme lors des bâtonnages.
Dans les vins, en l’absence de levures, les consommations sont beaucoup plus lentes. Elles dépendent de la composition du vin, en particulier de la teneur en composés phénoliques et de la température. Quand ils sont saturés en oxygène il faut, d’après la littérature, quelques jours pour les vins rouges et quelques semaines, voire quelques mois pour les vins blancs, pour que cet oxygène soit entièrement consommé. Un petit nombre d’auteurs s’est en fait intéressé aux différents apports d’oxygène au cours de l’élaboration des vins (3, 4, 5, 6) mais très peu d’articles traitent de l’influence de ces apports sur les caractéristiques analytiques et sensorielles des vins.
Dans les travaux cités précédemment le bilan des apports d’oxygène s’arrête le plus souvent à la mise en bouteilles et ne prend pas en compte les échanges gazeux au travers du bouchage. Des auteurs comme Kahn, Glories, Ribereau-Gayon, affirment même que l’évolution des vins tranquilles en bouteilles est indépendante des phénomènes d’oxydation (7, 8), même si très récemment leur position sur le sujet a très nettement évolué (9).
Effectivement on ne mesure que de très faibles quantités d’oxygène dans un vin tranquille embouteillé depuis quelques semaines, car celui qui est introduit lors de la mise en bouteilles est progressivement
consommé par le vin. Ensuite, l’oxygène qui pénètre dans la bouteille par le bouchage est consommé par le vin au fur et à mesure qu’il rentre. Cependant la quantité d'oxygène qui pénètre lors de la «mise» puis via le
ou les bouchages est loin d’être négligeable. Lorsque l’on réalise le bilan global des apports d’oxygène que
connaît un vin, on constate que ces étapes sont même prépondérantes sur le plan des quantités d’oxygène
transférées, en particulier pour les vins de garde.
Les apports d’oxygène à l’embouteillage et les échanges gazeux du bouchage, sont également à l’origine
de l’hétérogénéité entre bouteilles d’un même lot. En effet les apports en cuve ou lors du process concernent
l’ensemble du vin car celui-ci est homogénéisé après chaque étape (soutirage, filtration, passage au froid,
etc.). Dans le cas de l’embouteillage et du bouchage, chaque bouteille pourra avoir un devenir différent selon les conditions de mise en bouteilles et de bouchage. Chacune de ces opérations peut en effet influer sur la quantité d’oxygène qui entre dans la bouteille lors de l’embouteillage puis au cours de sa conservation et induire ainsi des évolutions différentes entre bouteilles issues d’une même cuvée. Cet aspect sera abordé dans la deuxième partie de cet article.
La mesure de l’oxygène en cuverie
Jusqu'à présent les méthodes pour analyser l’oxygène étaient réservées au domaine du laboratoire. La première difficulté était celle du prélèvement pour obtenir un échantillon représentatif de la cuve sans enrichir le vin en oxygène lors de son transfert de la cuve vers la bouteille échantillon. L’analyse devait ensuite être réalisée rapidement. Aujourd'hui nous disposons d’appareils fiables qui peuvent être utilisés directement en cuverie. Ils présentent surtout les qualités demandées à des appareils de terrain, à savoir robustesse, facilité d’utilisation et de calibration, entretien limité. Leur précision est suffisante pour notre usage, de l’ordre de 0,01 mg/L.
Où se font les apports en oxygène au cours de la vinification ?
Au cours des phases fermentaires, le vin est protégé de l’oxygène car ce dernier est consommé rapidement par les levures et chassé par le dégazage de gaz carbonique des fermentations. Durant ces phases on peut considérer que la consommation d’oxygène par le vin lui-même est négligeable.
L’élaboration du champagne offre la particularité de permettre deux remises à zéro de la teneur en oxygène
dissous dans le vin. La première comme pour les vins tranquilles par la fermentation alcoolique, la deuxième après la mise en bouteilles avec la prise de mousse. En dehors de ces périodes, les apports d’oxygène dans les vins interviennent à deux niveaux :
- dans les phases dynamiques du process (soutirage, filtration, passage au froid), c’est-à-dire chaque fois que le vin est déplacé par gravité ou par pompage et qu’il peut se produire par le biais de cette opération un transfert d’oxygène. Ces phénomènes ont été parfaitement décrits par Vidal et col. (4) pour chacune des étapes. Cet article fournira quelques valeurs obtenues en Champagne, qui corroborent parfaitement les résultats de ces auteurs.
- dans les phases statiques c’est-à-dire lors de la conservation en cuve, en fût et en bouteille. Dans ce cas l’oxygène peut diffuser par les orifices des récipients (cheminée de cuve, trou de bonde), mais aussi et surtout au travers des matériaux : du bois pour les fûts et foudres, du joint des capsules couronne, des bouchons liège ou synthétiques.
Lors des opérations post-fermentaires en cuverie
Les soutirages par pompage Les mesures en ligne réalisées au cours d'une opération de pompage par Vidal et al (2005) montrent sans ambiguïté que les pompes, en fonctionnement continu et en l’absence de prise d’air, dissolvent très peu d’oxygène. Les phases critiques sont le démarrage et la fin du pompage qui peuvent dissoudre l'oxygène contenu dans les tuyaux vides et dans la cuve de réception.
Dans une étude comparative des différentes pompes, Jean-Michel Desseigne (10) signale qu’une légère aération des moûts et des vins en début de transfert ne peut être évitée avec les pompes à piston alternatif et péristaltique équipées de «cloches à air». Nos mesures ont été réalisées dans différents établissements vinicoles champenois sur des cuves de plusieurs centaines d’hectolitres en respectant les pratiques choisies
par chaque opérateur (envoi par le bas ou par le haut de la cuve).
Les résultats du tableau 1 confirment qu’un soutirage par pompage à l’abri de l’air (renvoi par le bas de la cuve) n’apporte quasiment pas d’oxygène alors que l’apport est considérable pour un soutirage aéré (avec renvoi par le haut de la cuve). Dans cette situation, les variations sont principalement dues à la hauteur de chute (hauteur de la cuve et position du tuyau dans la cuve). Une mesure a été effectuée avec un soutirage dans un bac et renvoi par le haut de la cuve. La valeur trouvée est de 6,5 mg/L.
En envoyant le vin dans la cuve par une boule de nettoyage, on obtient 5,4 mg/L (une seule mesure). Des valeurs extrêmes ont pu être observées (8,8 mg/L) dans un cas où se sont trouvés simultanément réunis : soutirage dans un bac, cavitation de la pompe centrifuge et remplissage par le haut de la cuve.
Le transport des vins clarifiés en camion-citernes
Avec des citernes pleines
Le transport de vins clairs en camion-citernes a été suivi entre deux établissements champenois. Les mesures ont été effectuées sur 13 camions à citernes compartimentées, soit 52 compartiments. Les compartiments étaient entièrement remplis dans tous les cas. La distance parcourue était d’environ 10 km. Pour chaque voyage, les teneurs en oxygène ont été analysées dans :
- la cuve avant pompage,
- la citerne après pompage,
- la citerne après transport,
- la cuve de réception après pompage depuis la citerne.
Dans ce cas de figure, les pompages avant et après transport, sans inertage, apportent environ 1 mg/L alors que le transport en lui-même n’enrichit le vin que de 0,1 mg/L. Le transport en citerne tel que réalisé entre les établissements concernés n’est donc pas une étape préjudiciable en terme d’oxygène lorsque les compartiments sont totalement remplis. L’apport en oxygène lors de ce transport en citerne correspond globalement à l’incidence de deux pompages.
Sur le terrain les conditions dans lesquelles s’effectuent ces transferts de vin sont extrêmement variées (longueurs de tuyau, modes de pompage, type de citerne, température du vin, distance de transport) et constituent donc potentiellement un poste important d’enrichissement des vins en oxygène. Un inertage des tuyaux, de la citerne, de la cuve de réception, la réduction de la vitesse de pompage en début et en fin de cycle peuvent permettre de réduire la teneur finale en oxygène des vins transportés, comme l’indique justement Vidal et col. (2001).
Influence du remplissage des compartiments des citernes
Vidal et col. ont indiqué également que le niveau de remplissage de la citerne influait sur l’apport en oxygène
du transport. En effet lorsque le compartiment est en vidange, la surface d’échange vin-air augmente, ainsi que la possibilité d’agitation donc de transfert d’oxygène du ciel gazeux vers le vin. Dans ces conditions, la quantité d’oxygène apportée est directement liée aux conditions du transport, en particulier le pourcentage de remplissage des compartiments et la durée du transport.
Les résultats présentés dans le tableau 3 sont éloquents. Le pourcentage de remplissage d’un compartiment peut modifier considérablement la teneur en oxygène dissous à l’arrivée d’une citerne. Certains vins présentent des teneurs supérieures à 6 mg/L.
Les techniques de clarification
Différents procédés de clarification ont été testés : filtration sur kieselgühr, centrifugation, filtration sur cartouches lenticulaires.
Filtre à alluvionnage
La filtration par alluvionnage a été étudiée à différents stades du process : pré-filtration, filtration après collage et filtration après stabilisation tartrique. Les résultats sont présentés dans le tableau 4.
La moyenne générale sur 32 répétitions est de 0,70 mg/L. La filtration sur kieselgühr n’est donc pas a priori une étape cruciale en terme d’apport d’oxygène. Néanmoins, il convient de nuancer cette conclusion car on peut remarquer que l’écart type est très important, ce qui démontre une grande hétérogénéité entre cuves.
Comme l’ont aussi montré Vidal et col., c’est la phase d’encollage du filtre qui est la cause principale des apports en oxygène, en majorité à cause de l’air interstitiel contenu dans les produits de filtration (kieselgühr
et cellulose). Ainsi si plusieurs cuves sont filtrées avec un même bâtissage de filtre, le vin de la première cuve sera beaucoup plus oxygéné que celui des cuves suivantes.
De même, la dernière cuve pourra également être plus oxygénée à cause de la poussée de la cloche qui s’effectue très souvent à l’air comprimé, d’où l’influence du volume de la cloche.
L’analyse fine des résultats montre l’importance du volume traité et de la capacité de la cuve. Ainsi la phase d’encollage aura beaucoup moins d’influence sur la teneur en oxygène dissous du vin après la filtration d’une cuve de 1000 hl que d'une de 100 hl.
Quelques valeurs obtenues à partir de foudres se révèlent plus élevées que celles de vins provenant de cuves en acier inoxydable, probablement parce que les foudres ne disposaient pas de coudes décanteurs et que le vin devait être aspiré par la porte en fin de soutirage, d’où un apport d’oxygène plus important lié à cette pratique.
Filtre à modules lenticulaires
Quelques mesures ont été effectuées sur des filtrations de finition avec un filtre à modules lenticulaires (tableau 5). Cette étape conduit à un faible apport d’oxygène dans les vins filtrés, avec une moyenne de 0,51 mg/L.
La centrifugation
La centrifugation est une technique assez utilisée en Champagne dans les unités importantes. Une série d’expérimentations a été effectuée dans six établissements. Les résultats sont présentés dans le tableau 6.
Comme pour la filtration, la moyenne générale des enrichissements en oxygène consécutifs à la centrifugation n’est pas très élevée : 0,95 mg/L mais avec un écart type important. Les variations dépendent en partie du système de chasse des boues. Sur ce point également Vidal et al ont observé que la chasse des boues pouvait être la source d’apports réguliers d’oxygène.
On peut observer également que certaines maisons cumulent l’effet centrifugation avec le remplissage par le haut de la cuve (souvent plus par commodité que par nécessité), ce qui entraîne des apports en oxygène plus élevés.
La stabilisation tartrique
Stabilisation tartrique en continu
L’accent a été porté sur la technique de passage au froid en continu car les autres techniques ne sont ni plus ni moins que la suite d’étapes évoquées précédemment. Par exemple, la stabulation correspond à un ensemble pompage, stockage et filtration. A noter cependant qu’à basse température la dissolution d’oxygène est plus importante et exige une vigilance accrue lors de cette opération.
Les mesures lors de cette étape de passage au froid en continu sont réalisées dans la cuve de départ et dans la cuve de réception après filtration (tableau 7).
La valeur moyenne observée sur les vins ayant subi ce traitement est de 1,22 mg/L. Cette valeur est très légèrement supérieure à celle mesurée pour la filtration par alluvionnage. Le cristallisoir ne paraît donc pas une source conséquente d’oxygénation.
On retrouve à cette étape un écart type assez élevé, sans doute dû à la filtration.
Comparaison avec la bibliographie
Dans un premier temps il nous a paru intéressant de comparer nos résultats à ceux de la bibliographie.
La première constatation est qu’il existe très peu de valeurs précises dans la littérature. De plus les données fournies sont inégales en qualité, tant sur le plan du matériel utilisé (quand il est mentionné) qu’en terme de répétition des mesures. Le tableau 8 résume les chiffres que nous avons pu collectés.
L’étude la plus complète, avec le dispositif expérimental le plus solide, est sans conteste celle de J.-C. Vidal dans l’équipe de M. Moutounet, que nous avons souvent citée. Leurs suivis en continu en aval et en amont des différents postes ont permis de parfaitement comprendre l’origine des apports d’oxygène. Ces données permettent d’envisager des solutions simples et industriellement applicables, lorsque l’objectif est de les réduire.
En Champagne, antérieurement à notre étude, seul le travail réalisé par D. Mariotti chez Moët & Chandon était disponible. Les valeurs obtenues par le CIVC sont, à l’exception de la stabilisation tartrique, très concordantes avec celles de Vidal, de Mariotti et même avec celles de l’équipe italienne de Ferrarini.
Les valeurs évoquées par Vivas et Glories sont par contre, et sur tous les postes, très supérieures aux observations de tous les autres auteurs. Il faut tout de même signaler que ces résultats ont été obtenus dans des contextes et avec des outils différents.
A partir de ces valeurs il est possible d’estimer la quantité d’oxygène à laquelle un vin est exposé au cours de son élaboration. Dans les premiers stades lorsque les vins sont encore très chargés en levures, on peut considérer que les faibles apports dus aux soutirages sont sans effet sur le vin compte tenu d’une part, des faibles quantités apportées par ces opérations et d’autre part, que les levures encore présentes le consomment rapidement.
Les apports les plus conséquents ont donc lieu du stade pré-clarification après fermentation malolactique jusqu’à la mise en bouteilles. Au cours de ces étapes les apports paraissent néanmoins modestes si l’on considère que sur tous les sites étudiés aucune précaution en matière d’inertage n’a été prise. Pour conforter ces données, des mesures ont été pratiquées dans trois établissements qui réalisent les différentes étapes, de l’assemblage jusqu’à la mise en bouteilles, en continu. Les apports globaux sur trois suivis sont respectivement de 3,9 – 4,4 et 4,5 mg/L. Au cours de ces trois suivis, les vins ont connu une centrifugation avec renvoi par le haut qui accentue l’apport d’environ 1,5 mg./L. L’apport d’oxygène de l’assemblage
jusqu’à la mise en bouteilles, si l’on excepte les pratiques particulières évoquées précédemment, peut donc être estimé compris entre 3 à 5 mg/L.
Il est certain que ces apports d’oxygène sont d’autant plus importants que les volumes mis en oeuvre sont plus faibles. Il est donc vraisemblable que ces valeurs sont supérieures dans les petites unités de production.
En définitive les apports importants d’oxygène sont plus imputables à de «mauvaises» pratiques qu’aux étapes de préparation des vins lorsqu’elles sont bien conduites.
Comme l’ont très bien montré Vidal et col., ces apports excessifs proviennent de grandes longueurs de tuyaux, de prise d’air à l’aspiration, de remplissage par le haut des cuves, de récipients laissés en vidange notamment lors du transport, du non inertage des appareils et circuits lors des opérations de clarification (centrifugation, filtration sur terres).
Un bilan spécifique à chaque cuverie
est nécessaire pour déterminer
les opérations et les pratiques qui
sont sources d’oxygène au cours
de l’élaboration et de la conservation
des vins clairs.
Des mesures correctives simples peuvent être envisagées en limitant l’aération par inertage des tuyaux, de la cuve de réception, des appareils, en transportant les vins en cuves pleines. Dans les situations où malgré ces précautions la dissolution d’oxygène a été importante (supérieure à 1 mg/L par exemple pour les vins blancs), il est encore possible d’éliminer l’oxygène en injectant de l’azote par l’intermédiaire d’un fritté pendant un pompage de ce vin (schéma ci-dessus).
Dans cette étude nous n’avons pas abordé la vinification sous bois assez marginale dans notre région, bien qu’actuellement en regain d’intérêt. Ce type de vinification est nettement plus oxydative ne serait-ce que par le fait qu’elle utilise des petits volumes mais aussi du fait de la perméabilité du matériau : le bois. Le dispositif expérimental pour apprécier l’apport d’oxygène au travers d’un fût est assez complexe à mettre en place. Ce thème mérite à lui seul une expérimentation rigoureuse car un grand nombre de paramètres sont susceptibles d’influer sur les apports d’oxygène dans un récipient en bois : sa taille, son âge, son ouillage, l’origine des bois, etc. Les valeurs citées dans la littérature font état de plusieurs dizaines de mg/L par an, 10 à 45 mg/L d’après Vivas N. et Glories Y.
L’effet du bâtonnage a par contre été mesuré. Comme on pouvait s’y attendre, si la mise en suspension des levures est un facteur qui contribue à la consommation d’oxygène, le bâtonnage lui-même, pratiqué de manière classique, n’amène pas d’oxygène.
Conclusion avant mise en bouteille
Les apports d’oxygène en cuverie, dans un process bien maîtrisé, sont de l’ordre de 3 à 5 mg/L.
En raisons de pratiques volontaires ou non, ces apports peuvent aisément être multipliés par deux ou trois, vraisemblablement plus dans les cas extrêmes
La véritable question sous-jacente derrière toutes ces mesures est en fait : quel est le véritable besoin d’un vin en oxygène pour qu’il atteigne son optimum de maturité, sans le dépasser ? La réponse n’est pas simple et loin d’être universelle. Elle sera toujours difficile à connaitre car elle dépend de chaque vin, de son origine, des conditions de son élaboration, de sa durée probable de conservation avant consommation, du style que souhaite imprimer le vinificateur, etc. Si l’on admet que les effets dus à l’oxygène sont cumulatifs, chaque
exposition entame vraisemblablement son potentiel à résister à de nouveaux apports aux stades ultérieurs,
avec vraisemblablement des disparités énormes entre vin, ne serait-ce qu’entre les blancs, les rouges et les rosés.
La problématique de l’impact de l’oxygène sur les propriétés sensorielles d’un vin est d’autant moins
évidente que les étapes évoquées précédemment ne sont pas les seules responsables des enrichissements en oxygène, au cours de la vie d’un vin. Pour les vins tranquilles de garde et pour les vins effervescents comme le champagne, les apports en bouteilles sont tout aussi importants.
Un autre aspect distingue les apports d'oxygène en cuverie de ceux qui se produisent en bouteilles, c’est l’homogénéité ou l’hétérogénéité de leurs effets sur le vin. En cuverie malgré les écarts dus aux manipulations que peuvent subir les différentes cuves, le vin de l'assemblage final peut-être considéré comme assez homogène avant sa mise en bouteilles. Au stade bouteille au contraire les apports d'oxygène
lors du tirage, ceux qui interviennent via les bouchages ou lors du dégorgement pour les vins effervescents sont du même ordre de grandeur que ceux enregistrés lors des étapes en cuverie mais peuvent différer considérablement d’une bouteille à l‘autre. Ils sont ainsi la source principale de l’hétérogénéité entre bouteilles d’une même cuvée. Ces aspects seront évoqués dans la deuxième partie de l’article.
Du tirage au vieillissement : contexte et méthodes
Dans la première partie de cet article ont été évoqués les apports d’oxygène qui se produisent lors de la vinification, avant la mise en bouteilles d’un vin. Ces apports sont très variables d’un établissement à l’autre car ils dépendent d’un grand nombre de facteurs dont :
- les techniques utilisées pour le travail des vins (soutirage, filtration, centrifugation, passage au froid, etc.),
- la taille et la nature des contenants utilisés, des volumes mis en oeuvre lors de chaque opération le traitement ou de transfert des vins,
- les pratiques de cuverie : soutirage avec remplissage par le haut ou par le bas de la cuve, voire via un bac tampon, type de pompe employé, etc.,
- certaines opérations non ou mal maîtrisées (2, 3) comme une trop grande longueur de tuyaux, une prise d’air, des raccords trop nombreux, une pompe qui cavite, des transports en citerne avec des compartiments en vidange, etc.
Dans les grosses unités champenoises, les apports moyens d’oxygène du stade fin de fermentation jusqu’au tirage peuvent être estimés entre 3 et 5 mg/L. Ils sont susceptibles d’être multipliés par deux ou par trois du fait de certaines pratiques évoquées précédemment. Les opérations préventives essentiellement par inertage, ou correctives par injection d’un gaz neutre(azote essentiellement), peuvent toutefois permettre de diminuer sensiblement les quantités d’oxygène résiduelles dans les vins en cuves. Elles sont à ce jour très peu pratiquées.
Cependant les apports d’oxygène dans un vin ne se limitent pas à ceux qui se produisent en cuverie. Ceux qui interviennent ultérieurement à l’embouteillage, puis lors de la conservation en bouteilles et lors du dégorgement pour le champagne, sont même prépondérants dans la vie des vins. Depuis une quinzaine d’années ces sujets sont travaillés par notre équipe. L’élaboration du champagne se prête bien à l’étude
des apports d’oxygène et à leur impact sur l’évolution des vins au cours de leur vieillissement en bouteilles. Elle permet aussi de mettre l’accent sur une problématique bien connue des professionnels mais souvent inexpliquée, à savoir l’hétérogénéité entre bouteilles pour un même lot d’embouteillage.
Les méthodes d'analyses utilisées au cours de cette étude
La mesure de l’oxygène en bouteilles
Ces mesures sont réalisées à partir d’un appareil Orbisphère composé d’un échantillonneur relié à deux sondes à membrane. L’une de type polarographique pour le dosage de l’oxygène (O2), l’autre à conductivité thermique pour le dosage du dioxyde de carbone (CO2). Cet appareil est utilisé très couramment dans les brasseries en contrôle de production sur les chaînes d’embouteillage, mais pas encore en oenologie. A la demande du CIVC, le constructeur a modifié l’appareil en 1998 pour pouvoir réaliser des mesures sur le champagne. Il fallait que le montage puisse résister à une contre-pression d’azote supérieure à 8 bars à 20°C, pour s’opposer à la pression interne dans la bouteille et permettre le transfert du vin de la bouteille vers les sondes, à l’abri de toute trace d’air ambiant.
Avant la mesure, les bouteilles sont conditionnées à 18 °C, puis mises sur une table agitante pendant 15 à 20 minutes afin d’équilibrer les concentrations de gaz entre le liquide et l’espace de tête de la bouteille. La mesure peut être réalisée sur des bouteilles bouchées avec une capsule couronne ou un bouchon liège. Dans ce dernier cas, on perce un pré-trou dans le bouchon à l’aide d’une perceuse munie d’un foret de 3 mm. La limite de détection de l’oxygène est de l’ordre du μg/L.
La mesure des échanges gazeux via le bouchage
Cette analyse est sous-traitée au Laboratoire National d’Essais (LNE) à Paris. Elle permet de mesurer en dynamique la quantité d’O2 entrant ou de CO2 sortant de la bouteille au travers du bouchage en place sur la bouteille (obturateur et capsule, bouchon liège et muselet). Pour le dioxyde de carbone (CO2) La mesure consiste à placer le col de la bouteille, prise de mousse effectuée, dans une enceinte en réalisant l’étanchéité entre le col de la bouteille et la paroi de l’enceinte. L’enceinte est balayée par un gaz neutre (hélium), qui s’enrichit du CO2sortant par le bouchage. A la sortie de l'enceinte, le mélange (hélium+CO2) est analysé par chromatographie en phase gazeuse. Les valeurs obtenues sont de l’ordre du cm3 de CO2 par 24 heures.
Pour l’oxygène (O2) La bouteille est vidée après la prise de mousse, puis coupée avant d’être fixée sur un support. Le gaz vecteur (azote) balaye l’intérieur de la bouteille et s’enrichit des faibles quantités d’oxygène qui pénètrent dans le col via le bouchage. Le mélange (azote+O2)sortant est analysé par un appareil Oxtran. Les valeurs obtenues sont de l’ordre du centième de cm3 d’oxygène par 24 heures (10-2 cm3/24 heures).
L’analyse des composés soufrés
Les analyses ont été réalisées à l’Université de Bordeaux II (V. Lavigne, D. Dubourdieu) selon la méthode décrite par ces auteurs (4).
L’analyse sensorielle
Les dégustations ont été réalisées à l’aveugle par un jury expérimenté d’oenologues et de chefs de cave. Le jury (10 à 15 personnes) s’accorde sur un vocabulaire visant à caractériser les niveaux «d’oxydation» ou de «réduction» du champagne sur une échelle de 0 à 5 (0 = nul, 5 = fort). Les vins présentant des notes plutôt soufrées, animales, fermentaires, sont notés à «tendance réduite». Les arômes qualifiés de fruits cuits, fruits mûrs, compotés, sont associés à des caractères "d’oxydation". Les dégustateurs doivent apprécier rapidement le type d’évolution du vin et ce, sur 10 bouteilles par lot, codées de façon aléatoire, réparties au hasard sur les postes parmi l’ensemble des bouteilles à déguster (maximum 30 bouteilles, soit 3 lots de 10 bouteilles). Les résultats sont représentés sous forme de diagrammes en bâtons ou de camemberts colorés. Les notations sont regroupées de la manière suivante :
- jaune pour nul = 0, réduction 1 ou oxydation 1
- orange pour oxydation 2 et 3
- rouge pour oxydation 4 et 5
- vert clair pour réduction 2 et 3
- vert foncé pour réduction 4 et 5
Les notes moyennes du jury permettent d’avoir une idée du profil sensoriel de chaque vin noté par ce panel.
Tirage et prise de mousse
L’oxygène présent dans un vin à l’issue d’une opération d’embouteillage peut avoir trois origines :
- la teneur en oxygène du vin lui-même suite aux traitements et transferts qui précèdent son arrivée dans la cuve qui alimente la tireuse,
- l’oxygène apporté par l’opération de mise en bouteilles elle-même : circuit, tireuse, "pousse" à l’air, etc.,
- l’oxygène présent dans l’espace de tête compris entre le vin et le bouchage, emprisonné lors du bouchon, et qui va se dissoudre progressivement dans le vin.
Vidal et al (6) donne des apports moyens de 1,6 mg/L pour des lignes d’embouteillage fixes et 1,43 mg/L pour des lignes mobiles. Ferrarini (7) indique pour sa part 1,2 mg/L. Ces valeurs paraissent faibles. Soit elles l’intègrent pas l’oxygène apporté par l’espace de tête, soit celui-ci a été parfaitement inerté. Les informations fournies dans les articles ne sont pas explicites à ce sujet.
Par le calcul on peut se rendre compte qu’un centilitre d’espace de tête, s’il est constitué uniquement d’air, apporte 2,85 mg d’oxygène au vin. Cet oxygène va diffuser progressivement de la phase gazeuse vers le liquide, puis sera consommé par le vin. Dans une bouteille de champagne de 75 cl, capsulée après tirage, l’espace de tête représente 2,5 cl d’air soit un apport théorique maximal de 7,1 mg d’oxygène, soit au maximum 9,8 mg par litre de vin tiré.
Des mesures ont été réalisées en Champagne dans différentes maisons lors de la répartition en bouteilles de la mixtion de tirage. Pour les bouteilles qui se succèdent immédiatement sur une même chaîne, les teneurs en oxygène des vins sont sensiblement équivalentes (tableau 1).
Par contre ces apports diffèrent au cours de l’opération de tirage elle-même. Dans l’exemple rapporté dans le tableau 2, figurent les valeurs obtenues dans les bouteilles (moyenne de 3 bouteilles) en fonction du volume de mixtion restant dans la cuve.
On observe visuellement, mais aussi au travers des analyses, l’effet fond de cuve. Lorsque le liquide arrive à
hauteur des palles, le brassage de la mixtion est plus turbulent et provoque une plus forte dissolution d’oxygène. Cet effet est moindre dans les cuves disposant d'un agitateur avec plusieurs palles réparties sur
la hauteur de l'axe. La teneur en oxygène dans le vin embouteillé est donc fonction de celle de la mixtion, de l'apport par la tireuse et de celle de l'espace de tête de chaque bouteille. L'oxygène enfermé dans la bouteille au tirage est consommé intégralement et en quelques jours par les levures (5). On peut donc considérer que cet apport important et qui peut être hétérogène d'une bouteille à l'autre lors de la mise en bouteilles, a vraisemblablement un effet limité sur l’évolution future d’un champagne.
Vieillissement sur lattes
Pendant très longtemps, une bouteille en prise de mousse a été considérée comme un récipient clos, sans échange avec l’extérieur, limitant la maturation d’un champagne aux seuls effets de l’autolyse des levures (8).
En fait, il n’en est rien, aucun bouchage oenologique n’est parfaitement étanche aux gaz.
Dans le cas des vins effervescents élaborés en bouteilles, de faibles quantités de gaz carbonique s’échappent et de l’oxygène entre dans la bouteille malgré la pression interne de CO2. Les pressions partielles de ces deux gaz tendent à s’équilibrer entre l’intérieur et l’extérieur de la bouteille. Ces échanges sont faibles mais mesurables.
Depuis de nombreuses années, les capsules à joint synthétique du marché champenois sont caractérisées par les valeurs des pertes en CO2 qu’elles confèrent au bouchage après tirage (9, 10, 11, 12). Récemment une étude complémentaire a été demandée au Laboratoire National d’Essais (LNE) sur des bouchages couronne réalisés dans des conditions de sertissage standardisées en laboratoire (force de compression et diamètre de sertissage maîtrisés). Les mesures sont réalisées dans l’air et dans l’oxygène pur. Aux erreurs expérimentales près, les valeurs sont corrélées (facteur 5) entre l’air et l’oxygène pur (tableau 3).
Par ailleurs, ramené à 1 bar de pression, le rapport "perte en CO2" sur "entrée d’O2" varie de 5 à 8 selon les capsules. Ce coefficient est proche de celui obtenu habituellement dans les phénomènes de diffusion des matières plastiques. Les mesures de pertes en gaz carbonique et d’entrées d’oxygène sont donc bien en corrélation et les échanges gazeux au travers du bouchage correspondent bien à un phénomène de diffusion.
Les pertes en CO2 mesurées sont de 0,12 à 0,56 cm3 par an selon la capsule utilisée. En pratique on constate effectivement des pertes de pression de près de 2 bars en 10 ans pour les capsules les plus «ouvertes ». Les volumes d’entrée d’oxygène sont environ 200 fois plus faibles (6 à 19.10-4 cm3/24 h), soit
des apports dans le vin de respectivement 0,4 mg/L à 1,3 mg/L par an pour les capsules testées ici ; 0,4 à 1,7 mg/L pour les capsules présentes sur le marché.
Pour des vins séjournant 5 à 10 ans en cave, les apports en oxygène peuvent ainsi atteindre plusieurs mg/L, ce qui est considérable par rapport aux valeurs évoquées jusqu’à présent. Pour mémoire les capsules à joint liège utilisées autrefois se situaient à des valeurs moyennes dans le haut de la fourchette (1,5 mg/L/an), avec une très forte hétérogénéité au sein d’un même lot de fabrication. Malgré ces entrées d’oxygène on ne trouve jamais d’oxygène ou que de faibles traces dans les champagnes sur lattes, lors de leur séjour en cave. Il est consommé au fur et à mesure qu’il entre dans la bouteille.
Influence de la capsule couronne sur l’évolution sensorielle des vins
De nombreuses expérimentations ont été réalisées depuis 1989 pour montrer l’influence des échanges gazeux au travers du bouchage couronne sur l’évolution des champagnes au cours de leur séjour sur lattes, en cave.
L’exemple rapporté ici est celui d’un même vin de base tiré avec trois capsules différentes, notées A, B et C. Grâce aux données connues sur ces capsules, on peut estimer les apports d’oxygène induits par le bouchage respectivement de 0,35 – 1,0 et 2,5 mg/L par an.
Les résultats des dégustations (figure 1) sont très cohérents même si les différences deviennent nettement plus perceptibles après deux ans de vieillissement sur lattes et s’accentuent au fil des années.
En toute rigueur il est toutefois inexact de comparer les stades entre eux dans la mesure où les juges ne sont pas forcément les mêmes à chaque séance et que les jugements sensoriels des dégustateurs sont relatifs à la série de vins dégustés, pour un stade donné. Ainsi des vins jugés à caractère «réduit» à six ans sont perçus d’autant plus réduits qu’ils sont comparés, dans la même dégustation, à des bouteilles du même vin avec un profil très oxydé.
Les commentaires des dégustateurs sont néanmoins très tranchés, notamment ceux exprimés après six ans de séjour sur lattes. A ce stade, la capsule A qui induit de faibles entrées d’oxygène donne des vins très peu évolués avec même des arômes de réduction.
Avec la capsule B, les vins qui ont un profil plus centré évoluent légèrement vers des arômes de fruits cuits, mais conservent un beau potentiel de garde.
Les vins élaborés avec la capsule C sont marqués par de forts caractères d’oxydation. Après dix ans sur lattes, ces derniers vins ont été jugés comme passés, usés. La capsule C a d’ailleurs été rapidement retirée du commerce et il a été demandé aux fabricants de ne plus proposer sur le marché des capsules dont les échanges gazeux conférés au bouchage sont supérieurs à 0,8 cm3 de CO2 par 24 heures.
Ces données de dégustation sont par ailleurs parfaitement corrélées aux caractéristiques chromatiques des mêmes vins (9, 10).
Ces expérimentations ont été effectuées plusieurs dizaines de fois au cours des 15 dernières années. Les résultats sont systématiquement dans le même sens même s’ils s’expriment de façon plus ou moins prononcée selon le vin de base. D’où la difficulté du choix de la capsule dans la mesure où l’on ne sait pas, pour l’heure, prédire l’évolution d’un vin dont on ne connaît ni le potentiel de vieillissement, ni la date de commercialisation puis de consommation.
L’utilisation de joints synthétiques aux caractéristiques reproductibles permet par contre de garantir une grande homogénéité sensorielle sur les vins d’un même lot de tirage, à condition cependant de parfaitement
définir les conditions de sertissage et de s’assurer de la régularité de ce sertissage tout au long de la campagne de tirage. Des travaux sont en cours sur le sujet.
Le dégorgement
Au cours de cette opération la bouteille reste ouverte de quelques secondes à une minute et demie pour les
chaînes avec un long convoyeur entre la remise à niveau et le bouchage.
Contrairement à une idée reçue, les champagnes à ce stade ne sont que partiellement protégés des entrées d’oxygène par le dégazage de la bouteille.
Des mesures ont été réalisées dans une dizaine d’établissements de taille importante, sur des bouteilles récupérées en bout de chaîne après pose du bouchon liège d’expédition. Les résultats (figure 2) montrent que la teneur moyenne en oxygène dans le vin après équilibrage des phases liquide et gazeuse est en moyenne de 1 mg/L. Mais cette valeur peut atteindre jusqu’à 5 mg/L sur certaines machines, en fonction du procédé de remise à niveau du vin après dosage.
L’oxygène disponible pour le vin est celui dissous dans le vin plus celui contenu dans l’espace de tête et qui se dissoudra progressivement, au fur et à mesure de la consommation par le vin. Dans le cas d’un champagne bouché liège, le calcul montre que la teneur en oxygène qui sera apportée au vin par l’espace de tête est équivalente à celle dissoute dans le vin, mesurée après bouchage et équilibrage des phases.
Les valeurs mini et maxi mesurées sont de 0,7 à 5 mg/L selon les chantiers. Les quantités disponibles pour le vin sont donc de 1,4 à 10 mg/L avec l’apport de l’espace de tête. Par ailleurs ces valeurs peuvent être très fluctuantes d’une bouteille à l’autre en fonction du vin, du type de bouchon et des conditions du bouchage.
En fait, les phénomènes gazeux qui se produisent lors du bouchage sont assez complexes. En premier lieu, on n’obtient pas les mêmes valeurs avec un bouchage rase bague et avec un bouchage rentrant.
Ainsi des champagnes bouchés après dégorgement-dosage avec une capsule couronne se retrouvent avec des teneurs en oxygène supérieures à celles obtenues avec un bouchage liège qui rentre dans le col. Dans le cas du "rebouchage couronne" les valeurs sont proches de 3 mg/L, au lieu de 1 mg/L évoqué précédemment avec le bouchon liège. L’enfoncement du bouchon provoque un phénomène de surpression qui chasse le contenu gazeux situé au-dessus du liquide (13).
Ce phénomène de chasse est aussi dépendant de l’élasticité du bouchon et de la vitesse d’enfoncement du bouchon. En définitive, dans le cas des vins effervescents, la teneur en oxygène d’un vin bouché liège après dégorgement va dépendre d’un grand nombre de facteurs, parfois difficilement contrôlables, qui vont influencer le volume et la composition du ciel gazeux (% CO2, N2, O2) de la bouteille (figure 3) :
- le principe de remise à niveau de la doseuse,
- le temps d’ouverture entre remise à niveau et bouchage,
- le type de bouchon (élasticité, traitement de surface) qui influe sur le phénomène de chasse, mais aussi de l’oxygène relargué par le bouchon lui-même,
- le process de bouchage (cadence, vitesse d’enfoncement, diamètre de serrage, profondeur de bouchage),
- la "nervosité" de la cuvée ou les événements de process (14) qui peuvent provoquer un dégazage et la formation de mousse (particules dans le vin, chocs entre bouteilles).
Remarque : par extrapolation, dans les vins tranquilles le bouchage à vis entraîne une augmentation de la teneur en oxygène dissous du vin si l’espace de tête n’est pas inerté, du fait d’un volume d’air enfermé plus grand et de l’absence du phénomène de chasse.
Influence du dégorgement sur l’évolution sensorielle du champagne
Le dégorgement constitue un apport brutal d’oxygène par opposition à la micro-oxygénation via les capsules. Pour protéger le vin, les élaborateurs ajoutent traditionnellement du SO2, en moyenne 15 à 20 mg/L, incorporé via la liqueur d’expédition. Une série d’expérimentations a été réalisée lors du dégorgement-dosage pour juger de l’impact croisé de cet apport d’oxygène et de celui de SO2 sur l’évolution des caractéristiques sensorielles du champagne (15). Pour éviter les apports aromatiques éventuels apportés par le bouchon liège, les vins après dégorgement ont été recapsulés, même si l’apport d’oxygène est dans ce cas un peu plus important. Quatre modalités ont été testées :
- avec oxygène, environ 1,8 mg/L et deux variantes : sans apport de SO2 et avec ajout de SO2 à 15 mg/L,
- sans oxygène, par inertage du ciel gazeux à l’azote avant bouchage et les deux mêmes variantes sans et avec SO2 à 15 mg/L.
Des suivis de la teneur en oxygène dans les vins montrent que l’oxygène entré au dégorgement est consommé à la même vitesse, avec ou sans apport de SO2 par la liqueur d’expédition (figure 4).
Par contre à la dégustation, réalisée dans les mêmes conditions que celles décrites précédemment pour
les capsules, 15 mois après dégorgement les vins présentent des profils radicalement différents (figure 5). Dans le premier cas, sans SO2, les vins sont caractérisés par des notes oxydatives, en orangé sur la figure 5.
En présence de SO2, le vin est protégé de l’oxydation mais peut générer des composés soufrés, qui confèrent au champagne des notes dites de réduction. Comme on peut le voir sur les deux camemberts du bas de la figure 5, quand le vin est privé d’oxygène au dégorgement, l’oxydation est faible même sans apport
de SO2. Dans ce vin inerté (sans O2) on a même induit, par l'apport de SO2,des caractères de réduction très marqués (dominante verte en bas à droite de la figure) plutôt mal jugés par les dégustateurs. Compte tenu des écarts entre bouteilles sur les quantités d’O2 entrées au dégorgement, de telles différences sensorielles peuvent parfaitement être observées dans la pratique sur plusieurs bouteilles d’un même lot.
La réponse est aussi fonction du type de vin considéré et de la dose de SO2 ajoutée (figure 6). Ainsi pour le champagne A, huit mois après dégorgement, une dose de 15 mg de SO2 par litre apportée par la liqueur, assure une protection satisfaisante alors qu’il faut recourir à une dose de 30 mg de SO2 par litre pour avoir le même effet avec champagne B. A contrario, le vin A présente une réduction trop marquée pour une dose de 30 mg de SO2 par litre.
Dans ces cas de forte réduction, les premières analyses des composés soufrés légers (figure 7) montrent une augmentation du méthanethiol et surtout de l’hydrogène sulfuré.
La solution la plus adaptée pour éviter ces déviations sensorielles et les risques d’hétérogénéité entre bouteilles est donc de chasser l’O2 entré dans l’espace de tête entre la remise à niveau (post-dosage) et le bouchage d’expédition, en inertant le col de la bouteille juste avant bouchage.
Cette solution est en cours d’étude pour pouvoir être mise en oeuvre prochainement sur sites aux cadences industrielles, à l’instar de ce que font les brasseurs pour répondre au même souci de protection vis-à-vis de l’oxygène.
Le bouchage d’expédition
Avec le bouchage d’expédition, nous retrouvons les mêmes phénomènes qu'avec pour le bouchage couronne, à savoir des micro-échanges gazeux par le bouchage, liés à l’équilibrage des pressions partielles en gaz carbonique et oxygène entre le vin et l’atmosphère.
Le CIVC a fait réaliser des mesures par le Laboratoire National d’Essais sur différents bouchages, avec des bouchons liège traditionnels (aggloméré et deux rondelles).
Les résultats (figure 8) montrent que pour un même lot de bouchons, il y a peu de variations entre bouteilles d’un même lot et au cours du temps. Les écarts types sont faibles, du moins sur les deux ans de bouchage étudiés (16). Par contre, il y a une grande hétérogénéité entre lots de bouchons (figure 9) puisque les échanges gazeux peuvent fluctuer de 1 à 4 sur un échantillonnage de bouchons d’origines différentes.
Les pertes en CO2 varient en effet de 0,5 à plus de 2 cm3 par 24 heures. On peut comparer ces valeurs à celles obtenues pour les capsules. Dans ces conditions, la moyenne des bouchons liège se comporterait vis-à-vis de l’oxygène comme les capsules les moins "barrière". Cette extrapolation n’est cependant pas rigoureuse dans la mesure où le comportement d’un bouchon liège vis-à-vis des échanges gazeux ne peut être assimilé à celui d’un joint de capsule. Des mesures complémentaires (en cours) devraient permettre de fournir des données précises sur ce point.
On peut cependant penser que le bouchage d’expédition contribue aux apports d’oxygène avec autant d’intensité (voire plus) que le bouchage couronne, mais le plus souvent sur une durée plus courte. La durée de conservation des champagnes avec le bouchon d’expédition est généralement inférieure à celle du bouchage de tirage. L’effet dû à l’oxygène entré via le bouchage est aussi en grande partie masqué par celui dû à l’oxygène introduit lors du dégorgement, du moins dans les premiers mois après bouchage.
Discussion
Le travail réalisé sur plus de 10 ans permet de faire un bilan, même s’il n’est pas exhaustif, sur les apports d’oxygène au cours de l’élaboration des vins (tableau 4), d’évaluer le poids respectif de chacune des étapes de la vinification et leur impact probable sur le produit final. La difficulté est que l’on ne connaît pas à ce jour la quantité d’oxygène nécessaire à chaque vin pour atteindre son optimum de maturité. On peut néanmoins estimer que les effets sont cumulatifs, c’est-à-dire que l’oxydation connue par un même vin à un stade donné,
va en quelque sorte entamer son potentiel futur à résister à de nouvelles expositions à l’oxygène ou au contraire lui faire atteindre plus rapidement cet optimum.
Reprenons la chronologie de l’élaboration d’un champagne.
Au stade cuverie, les apports cumulés correspondant aux différents transferts des vin, à leur stabilisation et à la clarification, représentent entre 3 et 5 mg/L, sans protection particulière. Cet apport double facilement, voire triple, en cas de soutirage avec aération ou suite au transport des vins clairs dans des citernes en vidange par exemple.
Au stade bouteilles, même si certaines valeurs sont encore à affiner, on peut considérer que l’apport moyen en oxygène pour un champagne de 2 à 3 ans est aussi de l’ordre de 3 à 5 mg/L. L’exposition à l’oxygène peut être plus importante pour les champagnes de moyenne et longue gardes dont la durée de conservation peut atteindre plusieurs dizaines d’années. L’autre paramètre qui distingue les deux stades est l’homogénéité
ou à l’inverse l’hétérogénéité des effets sur les vins terminés, c’est-à-dire prêts à être commercialisés. En cuverie, quelle que soit la source d’apport, elle se répercute de façon homogène sur la cuvée et n’induira donc pas de différences entre bouteilles.
Au stade bouteilles, les apports d’oxygène sont aussi importants en volume, mais ils sont en plus la source principale de l’hétérogénéité entre bouteilles d’une même cuvée. Sur le schéma 1, on peut visualiser où se situent ces sources d’hétérogénéité et évaluer les progrès, accomplis ou en cours, pour rétablir la régularité entre bouteilles d’un même lot. Au tirage, les vins ont des teneurs en oxygène assez variables, mais la prise de mousse rétablit l’homogénéité. Pendant le séjour sur lattes, le passage des capsules à joint liège aux capsules à joint synthétique a constitué un progrès considérable en matière de régularité entre bouteilles. Toutefois, le choix de la capsule doit être bien réfléchi et la décision dépend de chaque cuvée et de sa destination commerciale. L’autre exigence sur ce poste est une parfaite maîtrise du sertissage tout au long de la campagne.
Le dégorgement représente le poste où la variabilité entre bouteilles est potentiellement la plus forte, du fait d’apports en oxygène instantanés importants et avec des écarts entre bouteilles qui peuvent être considérables, de 0 à 10 mg/L pour les extrêmes. La parade passe nécessairement par l’inertage du ciel gazeux de la bouteille. Ce procédé permet de limiter le sulfitage qui constitue une solution imparfaite et même une source supplémentaire d’irrégularités entre bouteilles, en générant des arômes soufrés peu souhaitables. Pour l’ultime étape du bouchage d’expédition, on retrouve une problématique identique à celle des capsules de tirage, même si le liège est un matériau plus complexe qu’un joint de capsule. Il n’est pas inerte car susceptible de libérer des composés favorables ou défavorables dans le vin, il est par nature hétérogène et pour finir, son comportement peut évoluer au cours du temps du fait de son contact avec le vin. Nul doute que les évolutions du bouchage d’expédition (boucheuses, bouchons…) devront à l’avenir prendre en compte la maîtrise des échanges gazeux.
Si l’on fait abstraction de certaines pratiques particulières évoquées précédemment, comme le transport dans des citernes en vidange ou des soutirages avec envoi par le haut de la cuve, les données du tableau 4 montrent que le stade bouteille est en fait primordial en ce qui concerne les apports d’oxygène que connaît un vin, notamment dans le cas des vins effervescents élaborés en bouteilles qui ont deux bouchages successifs. Le raisonnement peut être élargi à tous les vins de garde notamment quand l’inertage n’est pas pratiqué à la mise, ou lors de très longues durées de conservation en bouteille.
Cette prise en compte de l’oxygène dans les opérations d’embouteillage et du bouchage a été trop longtemps négligée en oenologie alors que dans la vie des vins de garde, ce stade là n’est souvent que celui de l’adolescence. Au-delà de la maîtrise du vieillissement, ce thème de l’oxygène en vinification est la source de réponses, au moins partielles, à des questions que se posent les professionnels et les consommateurs. Certaines d’entre elles sont un peu anecdotiques, d’autres au contraire sont fondamentales pour notre filière comme celles de l’hétérogénéité d’évolution entre bouteilles d’un même lot ou celle de l’aptitude au vieillissement d’un vin.
La variabilité entre bouteilles d’une même cuvée
Le constat d’hétérogénité entre bouteilles que nous venons de faire sur les vins effervescents est extrapolable à tous les vins alors que l’on évoque souvent des phases de maturation ou des évolutions cycliques du vin. Ne sont-elles pas la plupart du temps que les fluctuations sensorielles liées aux variations des échanges gazeux bouteille à bouteille ? Qu’en serait-il en garantissant une homogénéisation
des échanges gazeux des bouchons pour un même lot de bouteilles ? L’exemple des capsules couronne du bouchage de tirage est révélateur. Les professionnels du champagne reconnaissent à ce jour que la maîtrise des entrées d’oxygène, grâce au remplacement des joints liège par des joints synthétiques, permet une remarquable homogénéité entre bouteilles et le contrôle de l’évolution d’un vin. Malgré cela certains vinificateurs prétendent que la différence d’évolution sensorielle entre bouteilles fait partie de la "magie" du vin. En tant que consommateur, lorsque l’on ouvre des bouteilles (parfois chères) "la magie" s’évanouit quand la première bouteille est superbe, et que sa petite soeur issue de la même caisse est plus que décevante… La maîtrise des échanges gazeux du bouchage est donc une voie de progrès et de satisfaction indéniables pour la profession vinicole et pour la clientèle.
La durée de vie des vins
Lorsqu’on évoque les potentialités de garde d’un vin ou des phénomènes d’oxydation prématurée, il est très rare que l’on se pose la question de ses conditions de protection vis-à-vis de l’oxygène, lors du conditionnement et du bouchage. C’est particulièrement le cas pour les vins blancs fruités et les rosés.
La longévité et la préservation de leurs caractéristiques originelles seraient mieux assurées en améliorant
leurs conditions de mise en bouteilles et en choisissant un bouchage qui limite les échanges gazeux plutôt que de confier leur destinée au seul SO2. D’autant que le dioxyde de soufre est dans le collimateur des hygiénistes et que la diminution de sa teneur dans les vins est une volonté constante des producteurs. Les vignobles du nouveau monde l’ont beaucoup mieux compris (17) et déjà mis en application. Les vins blancs suisses issus de chasselas, très sensibles à l’oxydation, ont adopté le bouchage à vis depuis de nombreuses années. Le terroir et le climat font le potentiel d’un raisin, le vinificateur exprime ce potentiel, l’oxygène permet de moduler l’expression de ce potentiel au cours du temps.
Les bouteilles au fond de la mer
Plus anecdotique, l’observation selon laquelle les vins de bouteilles placées au fond de la mer se conservent plus longtemps que les mêmes sur terre.
Rien d’étonnant. Si le bouchon reste parfaitement étanche malgré les attaques de l’eau salée, le vin au fond de l’eau est protégé de l’oxygène et à basse température les réactions d’oxydation sont freinées. On
peut obtenir le même résultat dans une cave fraîche, avec un bouchage moins perméable à l’oxygène… mais l’histoire est moins jolie !!
Influence de la taille du contenant (demie, bouteille, magnum)
Autre "fatalité" souvent constatée, celle selon laquelle le vins des flacons de petite contenance (les demies) se conservent moins bien qu’en bouteille, et qu’à l’inverse le magnum est considéré comme la taille idéale pour la conservation d’un vin. Comme nous l’avons montré pour le champagne dans un article paru en 1995, la quantité d’oxygène qui entre par la capsule couronne est la même pour une demie, une bouteille et un magnum. En effet, le goulot (bague 29) et la surface d’échange avec l’air extérieur sont les mêmes pour les trois contenants (18). Pour une même durée de conservation et une même température, l’oxydation du vin va donc être plus rapide dans la demie que dans la bouteille et a fortiori que dans le magnum, puisque le volume de vin réagissant avec une même entrée d’oxygène varie du simple au double ou du simple ou quadruple (tableau 5).
Ce phénomène déjà vérifié avec des capsules, est similaire avec un vin tranquille bouché liège. Ces constats ne doivent plus être une fatalité mais un choix en connaissance de cause. Il suffit de contrôler l’oxygène lors de l’embouteillage et d’adapter le bouchage.
Conclusion
Cette préoccupation vis-à-vis de l’oxygène permet de revisiter sous un éclairage nouveau beaucoup de pratiques oenologiques en Champagne depuis les premières étapes en cuverie, en passant par la mise en
bouteilles, le dégorgement et le bouchage. Une difficulté de taille demeure cependant, celle de la connaissance du besoin d’un vin en oxygène. L’estimation du potentiel de vieillissement de chaque vin est nécessaire pour pouvoir lui fournir la quantité nécessaire d’oxygène en fonction de sa sensibilité et du niveau d’évolution souhaité. Même si les avis restent encore partagés sur ce point, la majorité des professionnels préfèrent quelques notes de réduction souvent passagères ou correctibles à une oxydation excessive qui constitue un état irréversible pour le vin, souvent sanctionnée par les consommateurs.
Déterminer le besoin d’un vin en oxygène passe nécessairement par des mesures plus précises des quantités d’oxygène consommées par le vin tout au long de son élaboration et par la compréhension des réactions chimiques que provoquent ces apports. L’étape ultime sera de pouvoir prédire les effets de l’oxygène, c’est-à-dire disposer d’un test ou d’un marqueur qui permette d’apprécier la capacité d’un vin, d’un moût éventuellement, à résister à l’oxydation. Une recherche qui nécessitera certainement encore de nombreuses années de travail.
Dans l’immédiat et sur le plan pratique, une amélioration simple consiste à obtenir une plus grande régularité entre bouteilles d’un même lot. Elle passe nécessairement par un meilleur contrôle de l’oxygène en particulier lors de la mise en bouteilles et via le bouchon. Les échanges gazeux conférés par le bouchage devraient à l’avenir devenir un critère primordial dans le choix de tout système de bouchage. Plus largement l’oxygène doit devenir impérativement un paramètre oenologique à mesurer et maîtriser tout au long de la vinification.
Remerciements
Nous tenons à remercier chaleureusement tous les établissements champenois qui nous ont accueillis sur leurs sites et mis à notre disposition les vins nécessaires aux nombreuses analyses et dégustations réalisées dans le cadre de cette étude, notamment les membres du groupe de travail bouchage du CIVC.
Nos remerciements vont également à Bertrand Robillard (Rore-Technologie), Michel Moutounet (INRA Montpellier) et Valérie Lavigne (Université de Bordeaux II) pour leur lecture et leurs commentaires pertinents sur le contenu de ces articles.